Le Point du 22/05/2008 parle de Thiersville !

21 mai 2008 – 20:57

LE POINT CONSACRE SON NUMÉRO DU 21/05/2008

AU 13 MAI 1958

avec en prime le film de M6 « Quand l’Algérie était française »

Nous avons le plaisir de vous annoncer la sortie demain d’un numéro du POINT consacré au 13 mai 1958. En prime le DVD du film du jeune et talentueux réalisateur Serge de SAMPIGNY

« Quand l’Algérie était française »

que vous avez pu apprécier lors de son passage le 16 mai 2006 sur M6.

  1. 7 Réponses � “Le Point du 22/05/2008 parle de Thiersville !”

  2. Merci pour l’information, on l’a acheté mais attention l’hebdomadaire est vendu avec le DVD mais c’est plus cher ou sans à son prix habituel. Choisissez en conséquence…

    Pour les étourdis, il y a aussi un bon de commande du DVD dans le magazine

    Par Cathy et Patrick on Mai 23, 2008

  3. patiente un peu je sort tous les jours vers les fermes et habitats pour prendre des photos alors s.v.p patience je demande et ce que pradier claire et son frere sont en vie la famille flandin mouchninou garbes altete il y avait une dame smidth et ce qu elle a une famille je passe mon bonjour a cano je vous annonce que la picine elle va subir un changement pendant les jours a venir je ne vois pas pourqoui les thiersvillois ont leur site et je ne vois rien comme sujet ou ecriture alors ou etes vous reveillez vous .

    Par begga on Mai 24, 2008

  4. LE POINT CONSACRE SON NUMÉRO DU 21/05/2008
    VOIR ARTICLE
    Les pieds-noirs – Retour sur le malheur pied-noir
    Quarante ans après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, les blessures des rapatriés d’Algérie restent à vif. Et les pieds-noirs, eux, refusent les caricatures de l’Histoire
    «U n jour à Sidi Bel Abbés, où nous vivions, le manège d’enfants s’est fait mitrailler par le FLN. Des tas de gamins sont morts, d’autres ont été grièvement blessés. » Alain Afflelou, PDG du groupe du même nom, a 12 ans en 1962 quand il quitte l’Algérie. Ses parents sont boulangers et appartiennent à la communauté juive pied-noire. « La Légion étrangère a arrêté les tueurs et exposé leurs corps massacrés à la population. Je suis allé les voir et, comme tout le monde, j’avais le sourire. Nous n’étions pas des fascistes. Il faut replacer tout cela dans le contexte. Si les attentats dans le métro à Paris avaient duré un an, comment les gens auraient-ils réagi ? »
    Le débat actuel sur la torture a ravivé le malaise des rapatriés. Ils ne supportent plus d’être jugés par l’opinion publique responsables de la « sale guerre ». Dans l’inconscient collectif, les musulmans se seraient révoltés comme un seul homme contre les pieds-noirs, qui les exploitaient, obligeant l’armée française à voler à leur secours. Un reproche qui a l’effet du sel sur une plaie jamais cicatrisée.
    Dans les mois qui suivent la signature des accords d’Evian, le 18 mars 1962,1 200 000 Français d’Algérie, soit 10 % de la population locale, vont quitter leur terre natale sans espoir de retour. Ils fuient un climat de terreur instauré par le FLN et la surenchère meurtrière de l’OAS (Organisation armée secrète). « Ma tante et mon oncle ont été déchiquetés par une grenade au cinéma à Mostaganem, le surveillant général de mon lycée poignardé dans une rue de Bel Abbes… Sur la place Carnot, dans un café, il y avait une grenade dans un couffin. Trois jeunes filles ont été tuées sur le coup, les trois plus jolies filles de Bel Abbes… L’objectif était de semer la terreur, de nous obliger à partir » , raconte encore Alain Afflelou. Un départ précipité, avec le plus souvent une ou deux valises pour tout bagage. C’est la plus grande migration jamais absorbée par la métropole. Les pieds-noirs forment aujourd’hui en France, avec leurs enfants, une communauté de près de 3 millions de personnes.
    On les voyait riches colons alors que la majorité d’entre eux étaient artisans, ouvriers, petits fonctionnaires, citadins modestes votant au centre ou à gauche. De Bab el-Oued, Oran ou Sétif ils ont ramené le mal du pays, et une rage de réussir qu’ils ont transmise à leurs enfants. Ils sont repartis de zéro dans une métropole hostile que beaucoup découvraient pour la première fois. Aujourd’hui les pieds-noirs veulent être reconnus pour ce qu’ils sont : des victimes de l’Histoire dont certaines pages ont été occultées. C’est le sens des deux plaintes déposées contre X le 13 mars pour « crime contre l’humanité », « enlèvements et arrestations arbitraires ».
    A l’origine de ces deux plaintes, onze familles et l’association Jeune pied-noir (1). Il s’agit pour elles de faire reconnaître la responsabilité de la France dans la disparition de plusieurs milliers de pieds-noirs enlevés après le cessez-le-feu, par le FLN ou les « marsiens », ces nationalistes de la dernière heure. Du 19 mars au 31 décembre 1962, officiellement 3 019 Européens sont kidnappés, quasiment sous les yeux de l’armée française, qui reste l’arme au pied (2) ; 1 773 n’ont jamais réapparu. En proportion, il y a dix fois plus de disparitions en Algérie durant cette période qu’en Argentine dans les années 70 sous la dictature ( voir Le Point n° 1534 ). Pourtant, le dossier est occulté, peut-être parce que les morts ont été encore plus nombreux chez les soldats français, les harkis et naturellement les Algériens.
    Des fauteurs de guerre
    Quarante ans après, alors que le débat fait rage sur les exactions commises par l’armée française, les familles de disparus demandent « vérité, justice et mémoire » sur le sort réservé aux pieds-noirs. « La France a laissé disparaître nos enfants, nos frères, nos mères, nos parents sans rien faire », affirme, les larmes aux yeux, Anne-Marie Danon, dont le frère, André, 29 ans, agriculteur, a disparu le 8 mai 1962 entre Orléansville et La Guelta. « L’important était de ne pas rompre les accords d’Evian si longuement négociés. Il fallait coûte que coûte éviter de relancer le conflit. Ils ont été sacrifiés pour des raisons politiques. La France doit le reconnaître. Il ne faut pas qu’ils disparaissent une deuxième fois dans l’oubli. »
    Pourquoi cette action judiciaire aujourd’hui ? Pendant des années, les pieds-noirs n’en ont parlé qu’entre eux ou se sont murés dans le silence face à l’incompréhension de l’opinion qui les désignait comme des fauteurs de guerre. « J’étais institutrice. Le jour où j’ai évoqué avec une collègue métropolitaine l’assassinat de mon père par le FLN, elle m’a rétorqué : un colon de moins, mon fiancé n’ira pas faire son service militaire en Algérie. A partir de ce jour-là, j’ai caché mon identité pied-noire. Mais aujourd’hui je ne veux plus avoir honte. »
    « Une histoire à sens unique »
    Certains pieds-noirs ont décidé de briser le silence. Ainsi, un rapatrié se présente comme candidat à la prochaine élection présidentielle. Son ambition n’est bien sûr pas de s’installer à l’Elysée, mais de « rétablir la vérité sur les Français d’Algérie ». Jean-Félix Vallat est né à Mascara en 1950. Il a grandi à Thiersville, un petit village dont son père était le maire et sa mère l’institutrice. Tous les deux ont été assassinés en 1958 par le FLN. « On les a tués pour ce qu’ils représentaient : la France. Cela s’est passé le 8 avril. Nous rentrions tous en voiture à la ferme, j’étais à l’arrière avec mes deux frères, il faisait nuit. Un commando du FLN avait tendu une embuscade, ils ont mitraillé la voiture, mon père en a perdu le contrôle et percuté un arbre. Ma mère a eu le réflexe de rabattre le siège arrière en nous criant : cachez-vous ! Les tueurs ne nous ont pas vus, ils ont égorgé nos parents sous nos yeux » (3).
    Aujourd’hui, Jean-Félix Vallat dirige une exploitation agricole dans le Tarn. Il y a un mois encore, ses enfants ignoraient tout de son passé. Sa fille, Marion, 23 ans, étudiante, a appris les conditions de l’assassinat de son grand-père et de sa grand-mère lors d’une apparition de son père à la télévision. « Je voulais la protéger. Maintenant, elle doit savoir » , justifie Jean-Félix Vallat. Sa décision de se présenter est une réaction à la proposition de loi – avortée – tendant à faire du 19 mars une journée commémorative de la guerre d’Algérie. « J’ai été révolté. Pour nous, la guerre d’Algérie ne s’arrête pas le 19 mars. Au contraire, c’est à partir de cette date que le FLN massacre les harkis et s’acharne sur les pieds-noirs, à coups d’enlèvement. On en a assez de voir l’histoire que nous avons vécue racontée à sens unique. »
    Assez aussi des clichés qui leur collent à la peau. « Le riche colon pied-noir est un mythe », s’insurge l’universitaire Jean-Jacques Jordi, qui, en tant que pied-noir, a été le premier à étudier l’histoire des rapatriés d’Algérie (4). A peine 1 % des Français d’Algérie sont des colons (propriétaires terriens). 12 000 personnes au total, dont 300 sont vraiment riches. Le niveau de vie moyen des Français d’Algérie est inférieur de 20 % à celui de la métropole. Les classes aisées représentent moins d’un tiers de la population. « Les hommes de ma famille étaient pauvres et sans haine, et n’ont jamais exploité ni opprimé personne » , a écrit Albert Camus en 1958 dans « Chroniques algériennes ». « Les trois quarts des Français d’Algérie leur ressemblaient » , conclut-il.
    Il s’agit pour beaucoup de réfugiés économiques venus d’Espagne, d’Italie ou de Malte ; d’Alsaciens qui fuient les Prussiens ; d’exilés politiques, communards, antifascistes italiens, républicains espagnols. Ce sont aussi 140 000 juifs séfarades enracinés depuis plus de deux mille ans en Algérie et devenus français par décret en 1878. « Sur trois générations, j’ai eu une grand-mère espagnole, une arrière-grand-mère juive et un arrière-grand-père berbère », souligne Catherine Camus, la fille du prix Nobel de littérature que Le Point a rencontrée dans la maison de son père, à Lourmarin, dans le Luberon (voir encadré page 71).
    On a présenté tous les pieds-noirs comme des sympathisants d’extrême droite, sous couvert de l’appartenance à l’OAS. La réalité est plus complexe. « Alger, en 1936, vote pour le Front populaire » , rappelle Jean-Jacques Jordi. L’adhésion des pieds-noirs à l’Organisation armée secrète est avant tout une réaction populaire au sentiment de trahison et à l’abandon de l’Algérie française. Un rejet de la politique du général de Gaulle qui conduit à l’indépendance. « Le quartier populaire de Bab el-Oued, à Alger, devient en 1961 le bastion de l’OAS alors que quelques années auparavant le Parti communiste y récoltait 30 % des voix », précise-t-il. Dans un climat de chaos et de désespoir, les pieds-noirs se raccrochent à l’OAS comme à une bouée de sauvetage, avant de s’en détacher à mesure que le mouvement sombre dans une violence aveugle. Néanmoins, l’étiquette d’extrême droite reste aujourd’hui collée aux rapatriés, en dépit des analyses électorales.
    La mauvaise image des pieds-noirs est intimement liée au rejet de la guerre d’Algérie dans l’opinion. « Les pieds-noirs doivent assumer le péché collectif du colonialisme » , précise la sociologue Jeannine Verdès-Leroux, directrice de recherche au CNRS (5). « Après guerre, toute la classe politique, Pierre Mendès France en tête, magnifie l’oeuvre civilisatrice accomplie en Algérie par les pieds-noirs. On considère que, malgré les erreurs et les drames, elle est une avancée sur la voie du progrès. Puis, dans un contexte international de décolonisation, tout bascule. Les colons sont décriés et, avec eux, tous les Français nés en Algérie. »
    Paris dépassé par l’exode
    Des images péjoratives sont véhiculées dans la presse par de grandes signatures comme François Mauriac. Les Français d’Algérie deviennent ainsi des brutes, riches, oppressives et réactionnaires. Les récits des appelés, de retour en métropole, ne font que renforcer ces clichés. « Ils se plaignent d’avoir été envoyés en Algérie pour défendre des colons qui ont fait fortune en faisant « suer le burnous » » , affirme Jeannine Verdès-Leroux.
    Le mal est fait. Lors de l’exode, en 1962, chez les Français, c’est l’indifférence et l’hostilité qui dominent. Du jour au lendemain, les pieds-noirs abandonnent leur ferme, leur villa, leur appartement. Plutôt que de laisser leurs biens, certains préfèrent tout détruire. Jean-Marc Lopez, retiré aujourd’hui à Six-Fours, dans le Var, a 10 ans à l’époque quand il assiste à ces scènes de départ surréalistes. « Nos voisins ont détruit les ascenseurs, démonté les rampes d’escalier, brûlé leurs voitures. Il ne fallait pas traîner sous les balcons, sous peine de recevoir une télévision, un frigo ou une machine à laver sur la tête. »
    A partir du mois d’avril, on ne trouve plus de valises en Algérie. Les familles en sont réduites à fabriquer leur propre valise avec des planches en bois. Sur les quais des ports d’Oran et d’Alger, dans les halls d’aéroport, des milliers de femmes, d’hommes, d’enfants, de vieillards attendent, agglutinés, nuit et jour, une place dans un paquebot ou un avion. Emile Ingignoli, 65 ans, douanier sur le port d’Oran, n’oublie pas ces journées d’hystérie collective. « Les gens dormaient par terre. Ils n’avaient ni eau ni nourriture. Pour ne pas perdre leur tour dans la queue, certains urinaient et déféquaient sur place. Une image hante encore mes rêves quarante ans plus tard : celle d’un jeune couple qui transporte un bébé mort dans une valise. Il n’avait pas voulu abandonner en Algérie le corps de son enfant. »
    A Paris, on est complètement dépassé par l’ampleur de l’exode. Le gouvernement prévoyait seulement le retour de 400 000 pieds-noirs sur quatre ans. On en enregistre un million en trois mois ! Paris fait tout pour ralentir ces départs massifs qui décrédibilisent les accords d’Evian censés garantir « une paix tranquille » . On tente donc de rassurer et de calmer la population. Jean-Marc Lopez se souvient que les rues d’Alger étaient inondées de tracts visant à calmer la population. « Des haut-parleurs installés sur des camions militaires haranguaient la foule pour l’assurer du soutien de l’armée et l’inciter à rester. »
    En vain. Incapable d’empêcher cet exode massif, le gouvernement essaie de le minimiser. Le 26 juin, le secrétaire d’Etat aux Rapatriés, Robert Boulin, annonce en conseil des ministres 169 000 départs seulement. Il affirme que le rythme est le même qu’en juillet 1961 et en déduit que les pieds-noirs ont avancé d’un mois la date de leurs vacances.
    « Halte au péril pied-noir »
    A leur arrivée en France, la majorité des rapatriés ne savent pas où aller. On les croit riches, mais ils n’ont pas d’argent en poche. Michelle Beauceville, 60 ans, installée sur les hauteurs d’Aubagne, dans une villa cossue, n’oublie pas le mépris des passagers du train Marseille-Lyon dans lequel elle est montée le 27 juin 1962. « J’avais 20 ans. J’arrivais de Blida, seule, avec trois enfants de 2 à 5 ans et six valises. Le train était bondé. Un contrôleur a demandé au micro si quelqu’un voulait laisser sa place à une jeune rapatriée avec trois enfants. Personne ne s’est levé. Au bout de deux heures, un ressortissant belge qui venait de monter dans le train m’a proposé sa place et offert des gâteaux aux enfants. Quand je l’ai remercié, il m’a simplement dit : « Je vivais au Congo, moi aussi j’ai connu ça. » »
    A Marseille, des affiches hostiles recouvrent les murs de la Joliette. On y voit deux grands pieds, noirs, au centre d’une carte de France. Au-dessous, cette inscription : « Halte au péril pied-noir » . Jean-Jacques Jordi affirme qu’il a retrouvé dans les archives du port de Marseille la trace de nombreux vols ou sabotages : des dockers ont même trempé des caisses appartenant à des rapatriés dans l’eau du port avant de les laisser sur les quais au soleil pendant des heures. Il y a aussi des vols. « Un quart des biens débarqués par bateau se sont volatilisés en arrivant dans la cité phocéenne » , précise l’historien.
    La détresse des nouveaux arrivants est exploitée : le prix des loyers, des pas-de-porte, des cautions double ou triple. A l’époque, Maurice Cazorla, 74 ans, était courtier à Montpellier. « 90 % des affaires proposées étaient des escroqueries. Les pieds-noirs représentaient des pigeons idéaux. Ils étaient dans l’urgence et ne connaissaient ni les terres, ni les cultures, ni les us de la France », se souvient-il. Certaines familles d’agriculteurs paient encore les pots cassés de ces mauvaises acquisitions. Guillaume Raymond, 39 ans, est aujourd’hui surendetté parce que son père, rapatrié d’Algérie, a acheté en 1962 près de Hyères des terrains agricoles qui se sont révélés inondables. « Tout le village le savait, mais personne ne le lui a dit. Je me retrouve aujourd’hui avec 7 millions de francs de dettes, à la tête d’un patrimoine invendable, à essuyer des inondations qui ruinent tout mon travail. »
    Un modèle de réussite
    Les enfants sont aussi en butte à l’hostilité ambiante. Dans les classes, on raille leur accent, leurs maladresses dues à un changement brutal de repères. Marcel Camicci, 44 ans, aujourd’hui artisan à Sigean, dans l’Aude, considère sa scolarité comme la « période noire de [sa] vie » . En 1962, sa famille venait de Bône, où elle possédait une ferme. Elle s’est retrouvée à Pézenas, sans argent, dans un baraquement de transit. « J’avais 3 ans quand je suis parti d’Algérie. Pourtant, en CM2, l’institutrice m’a dit : « D’où tu viens ? Tu ne peux rien comprendre. » J’ai passé l’année au fond de la classe. »
    Dans la cour de l’école, Marcel et les autres petits pieds-noirs sont tenus à l’écart, isolés. « On était les souffre-douleur. Mais très vite les Arabes sont arrivés, et tout a changé. Ils vivaient le même racisme. On s’est retrouvés ensemble contre les Français. Je traînais toujours avec eux, en cachette de mes parents, qui ne voulaient pas que je les fréquente. »
    Les familles de rapatriés sont éparpillées dans toute la France. Beaucoup se retrouvent dans le Sud, où elles vont même créer de toutes pièces Carnoux-en-Provence. Une commune qui compte aujourd’hui 8 000 habitants, dont la moitié sont des pieds-noirs. D’autres familles se retrouvent en Alsace, en Bretagne ou dans le Nord, où elles bénéficient d’une prime géographique mise en place pour « désengorger » le Sud. Au-delà de l’exode, c’est tout un environnement familial qui s’écroule.
    Et puis, il faut refaire sa vie. Sans guère d’aide pour commencer. En fait, les familles qui ont tout perdu devront attendre huit ans pour que l’Etat commence à les dédommager. En 1997, au terme de l’indemnisation, les sommes versées représenteraient 40 % de la valeur des biens estimés au moment du départ. En 1962, un rapatrié au chômage, chef de famille, doit se contenter d’une « allocation de subsistance » de l’ordre de 400 francs par mois. Pourtant, selon un sondage réalisé cette année-là, 31 % des Français jugent l’aide apportée aux rapatriés « excessive » et 36 % « suffisante » . Dans la même étude, 53 % des sondés estiment que les rapatriés ne font aucun effort d’adaptation.
    La suite prouve le contraire. A côté de tous ceux qui se sont fait un nom, d’Alain Afflelou à Yves Saint Laurent en passant par Paul Quilès, Jean-Paul Belmondo ou encore le prix Nobel de physique Claude Cohen-Tannoudji, l’immense majorité des pieds-noirs constitue un modèle de réussite professionnelle et d’intégration sociale. Jean-Claude Scotto est aujourd’hui psychiatre à la retraite : « Je suis arrivé à Marseille à l’été 1962 avec 96 autres internes des hôpitaux d’Alger. 50 d’entre nous sont devenus professeurs de médecine, alors qu’en moyenne seulement 10 % des internes deviennent professeurs d’université. » La réussite est pratiquement la même dans toutes les disciplines. Les pieds-noirs ont dû s’adapter coûte que coûte. Beaucoup n’ont pas hésité à changer de métier du jour au lendemain. Une capacité d’entreprendre que Jeannine Verdès-Leroux attribue en partie à l’esprit pionnier, hérité des réfugiés politiques ou économiques qui avaient « défriché » l’Algérie. Catherine Camus y voit, elle, « une similitude frappante avec les Américains » . « La plupart des pieds-noirs avaient des origines humbles, multiples, un attachement profond au drapeau, le goût des grands espaces et le sentiment que tout était possible… » En mars 1976, un rapport de la Documentation française intitulé « Les rapatriés d’Algérie en France » dresse un bilan de l’intégration pied-noire. Il souligne « le modernisme » , « l’ouverture d’esprit » , « l’imagination » et « l’audace » de cette communauté, pour conclure : « Le rapatrié est une chance pour la France. » Certes, les pieds-noirs ont débarqué dans une métropole en pleine croissance, qui ne connaissait pas le chômage. Mais ils en ont accéléré la transformation économique et sociale. Paradoxalement, l’exode a aussi été un atout pour beaucoup d’enfants de pieds-noirs. C’est du moins l’analyse de Jean-Jacques Jordi : « Les parents ont souvent vécu un déclassement dans l’échelle sociale. Pour compenser, ils ont tenu à ce que leurs enfants fassent des études. Cela n’aurait pas été forcément le cas en Algérie, surtout pour les familles modestes. De leur côté, les enfants se sont souvent sentis investis d’une mission, celle de réussir. »
    Mais derrière la façade de la réussite se cachent parfois des séquelles psychologiques dont il est difficile de cerner l’ampleur. Des médecins ont eu à traiter des pieds-noirs traumatisés : « J’ai soigné une patiente qui a fait des cauchemars pendant vingt ans. Elle revivait sans cesse l’incendie de sa ferme en Algérie », se souvient le professeur Scotto. « La plupart n’ont sûrement pas eu le réflexe d’aller consulter un psychiatre ou un psychologue. » Le combat associatif a souvent fait office de thérapie de groupe. « Mon salut, je l’ai trouvé en rejoignant une association, il y a huit ans, confie Marcel Camicci. J’ai hérité du traumatisme que mes parents n’ont pas réussi à gérer. Je n’ai jamais pu en parler avec eux. Ils étaient trop repliés sur eux-mêmes. »
    Pour beaucoup de pieds-noirs de la première génération, aux blessures psychologiques s’ajoute la douleur de l’exil, qui demeure, quarante ans après. Même si, officiellement, il ne s’agit toujours que d’un « rapatriement ». La sociologue Jeannine Verdès-Leroux raconte : « J’ai interrogé pour mon enquête plus d’une centaine de pieds-noirs. Presque tous se sont mis à pleurer. Hommes ou femmes, quels que soient leur âge ou leur statut social. » Le professeur Scotto, qui nous a confié avoir rêvé d’Alger tous les soirs pendant vingt et un ans, explique : « L’exilé politique garde toujours en lui l’espoir d’un retour. Mais, pour nous, l’exil est irrémédiable parce que le pays que nous avons quitté n’existe plus. »
    Les rapatriés n’ont pas laissé seulement une terre, ils ont aussi abandonné leurs morts. Beaucoup de cimetières sont aujourd’hui à l’abandon quand ils n’ont pas été profanés. Le fait de le savoir empêche tout oubli, tout deuil chez beaucoup de pieds-noirs.
    Aujourd’hui, nombre de pieds-noirs en veulent profondément à la France d’hier mais pas aux Algériens d’aujourd’hui. Tous ceux qui sont retournés en Algérie depuis racontent l’accueil chaleureux qu’ils ont reçu en tant que pieds-noirs. Autant de signes qui entretiennent chez les rapatriés le sentiment douloureux que, si les deux communautés n’avaient pas été broyées par l’Histoire, elles auraient pu continuer à vivre ensemble. D’où cette impression d’énorme gâchis dont parle Jean-Jacques Jordi. La veille de l’indépendance de l’Algérie, sa famille a fait précipitamment ses bagages. « Il y avait deux valises pour cinq personnes. Je n’ai eu le droit d’emporter qu’un seul jouet. » Jean-Jacques Jordi a longtemps hésité entre les boules de pétanque qu’on lui avait offertes à Noël et une diligence en fer tirée par des chevaux en plastique. « J’ai choisi les boules. Mais, avant de partir, je suis allé enterrer la diligence dans la cour. Quarante ans après, je me dis qu’il faut que je retourne là-bas pour voir si mon jouet y est toujours. »
    1. Jeune pied-noir, tél. : 01.69.41.01.12. 2. « La phase finale de la guerre d’Algérie », de Jean Monneret (L’Harmattan). 3. Jean-Félix Vallat est l’un des personnages principaux du roman de Serge Launay « Les chiens de Ghriss » (L’Harmattan). 4. « De l’exode à l’exil » (L’Harmattan). 5. « Les Français d’Algérie » (Fayard).
    Abonnez-vous à notre newsletter
    LA FUSILLADE DU 26 MARS
    Le quartier populaire de Bab el-Oued est investi depuis le 23 mars par l’armée française après la mort de sept soldats tués par l’OAS. Le 26 mars, une manifestation pour protester contre le bouclage du quartier de Bab el-Oued est organisée. Elle rassemble plusieurs milliers d’Européens. Tous les témoins, civils, militaires et journalistes, décrivent une foule calme et non armée. Pourtant, à 14 h 50, l’armée ouvre le feu. La fusillade dure douze minutes. Un carnage : 80 morts, 150 blessés. Officiellement, l’armée a riposté à des tirs venus d’immeubles. Quarante ans après, l’énigme demeure. Ce drame a marqué le début de l’exode des pieds-noirs.
    Le Point a retrouvé une victime de la fusillade. A l’époque, Jean-Louis Siben était inspecteur général dans une banque
    « Les soldats mitraillent à bout portant, sans aucun avertissement. Les gens courent vers le moindre abri : une encoignure, un caniveau. Des mares de sang se dessinent partout. Je suis à plat ventre. Une balle m’a touché à l’épaule. Devant moi, les soldats rechargent et tirent sans arrêt, comme des fous. Certains ont des gestes obscènes. Je ne peux pas croire que l’armée française nous tire dessus. Je vais réussir à gagner le porche qui se trouve à quelques mètres de moi. Une seconde balle me frappe le crâne sans le perforer. »
    JEAN-NOËL PANCRAZI*
    « Le souvenir le plus terrifiant de mon enfance est la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, à Alger, quand l’armée française ouvre le feu sur la foule qui manifeste pacifiquement. » Ce jour-là, Jean-Noël Pancrazi a 13 ans. Il écoute avec ses parents la retransmission du drame à la radio. La famille vit à Sétif, où le père est comptable. « J’entends encore cette voix sortie d’on ne sait où qui criait « Cessez le feu ! cessez le feu ! » se rappelle l’écrivain. Ce qui s’est passé le 26 mars symbolise tout ce qui est arrivé par la suite en Algérie : une absurdité sanglante. On ne sait toujours pas pourquoi l’armée a tiré. C’est aussi ce jour-là que mes parents ont compris que le gouvernement les avait abandonnés. » En juillet, la famille Pancrazi prend le bateau pour Port-Vendres. « Mes parents étaient déboussolés, mon père surtout. Il avait 51 ans, il ne connaissait pas la métropole. Il errait dans les rues à la recherche d’un travail. Il ne s’est jamais acclimaté. Cela a été un choc pour moi. » Jean-Noël Pancrazi se réfugie dans les études. « Il fallait que je montre que j’avais ma place. Au lycée, on n’aimait pas les pieds-noirs. Il faudra un jour expliquer que les pieds-noirs ont été balayés par l’Histoire. » Si Jean-Noël Pancrazi est devenu écrivain, c’est en partie à cause de l’Algérie. « Ecrire me permet d’anesthésier les souvenirs les plus douloureux. » Dans « Madame Arnoul », il évoquait son enfance à Sétif et son ami d’école, Mohammed Khair-Eddine. « J’espérais retrouver sa trace en écrivant ce livre. Il était brillant à l’école, j’ai toujours espéré qu’il ait joué un rôle positif après l’indépendance. L’exil est une blessure, mais aussi une chance pour un écrivain. C’est pourquoi je ne veux pas retourner en Algérie. J’ai peur que cela paralyse mon imaginaire. Pourtant, ma terre, c’est là-bas. » –
    **« Renée Camps » (Gallimard).
    L’EPOPEE DE LA FAMILLE LOPEZ
    1. Mireille et Adrien Lopez avec leurs enfants Martine et Jean-Marc. Le père est policier à Alger. La mère, femme au foyer. Les enfants vont à l’école du quartier où sont scolarisés musulmans et Européens.
    2. « On vivait à Diar-es-Saada (La Cascade), une cité populaire d’Alger jouxtant les quartiers arabes. Mon père y avait acheté en 1960 un appartement à crédit. De retour en France, le Crédit foncier s’est entêté à lui réclamer le remboursement du prêt pendant plusieurs années.
    On a attendu la mutation de mon père barricadés tout un mois dans notre appartement. »
    3. « On a embarqué sur l' »El-Djezaïr », le 24 juillet, avec quatre valises. On est allé jusqu’au port dissimulés dans une ambulance, pour échapper aux enlèvements. Sur le bateau surchargé, on a attendu des heures parce que le capitaine ne voulait pas hisser le drapeau algérien. Mon père a jeté les clés à la mer. Avant de débarquer à Port-Vendres, un couple de vieux s’est suicidé en se jetant sur l’hélice. »
    4. El Djezaïr aujourd’hui.
    5. « A Versailles, où mon père avait été muté, on s’est retrouvés dans une chambre de 7 mètres carrés. On y a passé six mois. On avait l’impression d’être dans un pays étranger. Un jour, on a voulu manger des châtaignes. On les a mises sur le poêle sans les entailler. Ça a pétaradé. On s’est tous jetés à plat ventre, par réflexe. La vie a redémarré. L’année suivante, mes parents nous ont fait une petite soeur. »
    JEAN MONTALDO*
    « Mon village natal s’appelait « Le col du dimanche », sur les contreforts du Haut-Atlas. » Jean Montaldo a 21 ans quand il quitte l’Algérie en 1962. « Depuis trois ans, j’étais journaliste à La Dépêche quotidienne d’Algérie, raconte-t-il. Mon père, qui était sénateur, m’y avait fait entrer comme stagiaire. Je couvrais les attentats, les massacres. On se relayait jour et nuit pour noter dans un grand cahier le lieu des attentats, avec le nombre précis de morts et de blessés. » Et tous les soirs, Jean Montaldo se rend à la morgue pour vérifier et publier ensuite la liste des victimes. « C’était comme assister à un suicide collectif. Cela m’a psychologiquement détruit. » En juin, son père comprend qu’il faut partir. Il lui trouve un billet sur un cargo en partance pour la France. « En arrivant sur le port, j’ai brûlé ma voiture. Sur le pont, j’ai regardé la côte s’éloigner et j’ai pleuré. » Jean Montaldo s’installe à Montpellier, où il retrouve d’autres rapatriés. « On ne réalisait pas, on était des morts-vivants. Nos parents étaient en dépression nerveuse. J’ai vu beaucoup de « vieux » mourir de chagrin. » Sans le sou, Jean Montaldo tente de survivre. « Pendant l’été 1962, j’ai fait tous les thés dansants du Claridge, je faisais danser les dames. J’avais la rage de réussir, ce qui explique ce que je suis devenu aujourd’hui : rien ne me fait reculer. » Jean Montaldo n’a jamais voulu retourner en Algérie. « Le FLN, pour asseoir son pouvoir, a détruit ce que nos pères avaient créé. De ce que nous avons bâti il ne restera rien après notre mort. Alors il faut au moins sauver la vérité. » Et d’expliquer : « Nous avons été manipulés par la classe politique. D’abord par la gauche, qui a créé le FLN en se lançant dans une guerre délirante, avec des moyens indignes tels que la torture. Et ensuite par la droite, qui nous a sacrifiés. Nous nous sommes réconciliés avec la France au prix de notre silence. » –
    ** « Les voyous de la République » (Albin Michel).
    LA « NOSTALGERIE »
    A l’été 1962, les Français de métropole découvrent les Français d’Algérie. D’eux, ils ne connaissaient guère que le surnom, pieds-noirs, mot à l’étymologie incertaine, apparu à la fin des années 50, qui leur évoque une sorte d’Indien de la Méditerranée. Les pieds-noirs font figure, pour eux-mêmes et pour les autres, de citoyens à part pas tout à fait entière.
    Ce particularisme remonte loin dans le temps. Ni Français de France, en dépit de leur appartenance juridique à la communauté nationale, ni naturellement Algériens d’Algérie, bien qu’ils soient nés, vivent et meurent là en grande majorité, les Européens d’Algérie sont en soi tout un monde : « Il s’est formé en Algérie, écrit un député algérois en 1898, une race nouvelle dont la mentalité diffère profondément de la mentalité française. » De fait, les Européens d’Algérie développèrent longtemps un complexe de supériorité et un sentiment de différence, exprimé sous la forme d’un « vous ne pouvez pas comprendre » adressé aux Français de métropole et ressenti comme un bonheur incomparable. « Quelle chance , écrit Albert Camus, d’être né au monde à Tipasa, et non à Saint-Etienne ou à Roubaix. » S’y ajoute, pour une population qui n’a connu sur son sol ni la Grande Guerre ni l’Occupation, et que les changements politiques et les mouvements sociaux à l’oeuvre en France n’affectaient guère, une sorte d’absence à l’Histoire. « Je pensais qu’il en serait toujours ainsi » , fait dire l’écrivain Jean Pélegri à l’un de ses héros, et l’Oranais Norbert Régina intitule sa saga pied-noire « Ils croyaient à l’éternité ».
    De là ce qu’on appelle l’aveuglement des Européens d’Algérie face aux événements qui se précipitent à partir de 1954. Pour la plupart, quitter leur pays demeure jusqu’au bout une perspective proprement impensable. La réalité s’imposa avec d’autant plus de brutalité. Beaucoup de pieds-noirs se jugent trahis et abandonnés par des Français lâches et sans coeur, beaucoup de Français estiment que les pieds-noirs, naguère si beaux parleurs et fiers-à-bras, n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes de ce qui s’est passé. Les uns et les autres découvrent que, depuis un siècle, ils s’ignoraient.
    Après quarante ans et quatre lois d’indemnisation, après une intégration économique et sociale rapidement réussie qui fait dire à de Gaulle dès juillet 1964, avec autant de vérité que de cynisme : « Ça a fait beaucoup d’écorchures individuelles, ça ne fait pas une plaie nationale » , les pieds-noirs, aujourd’hui, existent-ils collectivement autrement que par la « nostalgérie », cette sorte de sudisme de la mémoire qui enchante un pays perdu et recompose un passé révolu ? « Un jour peut-être, sur ces années évanouies, un pied-noir écrira un livre comme « Autant en emporte le vent » », prophétisait Fernand Braudel
    CATHERINE CAMUS*
    « Lorsqu’il a eu le prix Nobel de littérature en 1957, mon père a acheté cette maison en Provence et il m’a dit : « Tu vois, derrière les montagnes, il y a la mer. » Cela lui faisait penser à l’Algérie. » Catherine Camus, la fille de l’écrivain, vit aujourd’hui dans la villa de son père à Lourmarin. Albert Camus était un pied-noir qui militait pour l’égalité des droits entre les musulmans et les Français d’Algérie. Condition indispensable, selon lui, pour que les deux communautés continuent à vivre ensemble. « Camus a été cloué au pilori par les ultras des deux bords. Une fois, je l’ai trouvé assis, silencieux, dans un fauteuil près d’une fenêtre. J’avais 10 ans, je lui ai dit : « Papa, tu es triste ? » Il a levé la tête et il a dit doucement : « Je suis seul. » »
    Cet automne, Catherine Camus, qui a mis entre parenthèses sa carrière d’avocate pour veiller sur l’exploitation qui est faite de l’oeuvre de son père, réédite en poche « Chroniques algériennes », un recueil des articles sur la situation en Algérie publiés par le journaliste Albert Camus entre 1939 et 1958. « Quand le livre est sorti pour la première fois, en 1958, il y a eu un seul article dans la presse, parce que sa position dérangeait, confie Catherine Camus. Les Algériens et les pieds-noirs ont été trompés, les accords d’Evian ont livré le pays à un parti unique. Mais je redoute les réactions. Cela reste très à vif au sein des deux communautés. » Face au débat actuel sur la torture pratiquée par l’armée française en Algérie, Catherine Camus dit éprouver « un sentiment de malaise » . « La torture est abominable. Il était indispensable d’en parler, mais j’ai l’affreuse impression que le thème vire à l’effet de mode, tandis que les exactions du FLN restent un tabou chez les intellectuels, qui n’ont pas le courage de reconnaître aujourd’hui que l’indépendance a été un gâchis. »
    CLAUDE CHERKI*
    En 1961, Claude Cherki a 20 ans quand son père est condamné à mort par l’OAS. « Nous vivions à Alger. Un commerçant s’était fait assassiner en bas de chez nous par l’OAS. Personne n’osait s’approcher. Mon père a fait mettre un drap blanc pour couvrir le corps. Ce geste a été assimilé à une provocation. » D’autant que la famille Cherki, issue de la bourgeoisie juive d’Alger, est favorable à l’indépendance. « Dans le chaos des attentats, le discours de la raison était difficile à tenir. Nous avons dû partir. De fait, ma famille n’a pas connu les départs précipités en bateau de l’été 1962 » , explique Claude Cherki, qui considère que l’exil a finalement été une chance pour lui. « Le monde se faisait à Paris. »
    Aujourd’hui, le PDG du Seuil s’indigne que l’on puisse faire le lien entre les pieds-noirs et la torture. « Les pieds-noirs se sont contentés d’exploiter l’Algérie au bénéfice de la métropole. On ne peut pas leur faire porter la responsabilité des exactions de l’armée française. Ce qui m’intéresse dans le débat actuel sur la torture, c’est le pourquoi du passage à l’acte. Si c’est juste pour dire que l’armée coloniale a torturé, cela n’a aucun intérêt. » Claude Cherki revendique un regard lucide sur la communauté des pieds-noirs d’Algérie. « La société coloniale était stratifiée en classes sociales qui ne se mélangeaient pas. Personnellement, je ne fréquentais ni les juifs pieds-noirs pauvres ni les enfants musulmans. Le seul ciment commun était l’attachement profond à la France. Mais cette société n’a pas apporté que des choses négatives. Il faudra aussi un jour parler des réalisations positives de la colonisation de l’Algérie. »

    Par DERKAOUI HAMID on Mar 6, 2009

  5. VOIR ARTICLE DU JOURNAL LE POINT DU 21/05/2008

    Les pieds-noirs – Retour sur le malheur pied-noir
    Quarante ans après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, les blessures des rapatriés d’Algérie restent à vif. Et les pieds-noirs, eux, refusent les caricatures de l’Histoire
    «U n jour à Sidi Bel Abbés, où nous vivions, le manège d’enfants s’est fait mitrailler par le FLN. Des tas de gamins sont morts, d’autres ont été grièvement blessés. » Alain Afflelou, PDG du groupe du même nom, a 12 ans en 1962 quand il quitte l’Algérie. Ses parents sont boulangers et appartiennent à la communauté juive pied-noire. « La Légion étrangère a arrêté les tueurs et exposé leurs corps massacrés à la population. Je suis allé les voir et, comme tout le monde, j’avais le sourire. Nous n’étions pas des fascistes. Il faut replacer tout cela dans le contexte. Si les attentats dans le métro à Paris avaient duré un an, comment les gens auraient-ils réagi ? »
    Le débat actuel sur la torture a ravivé le malaise des rapatriés. Ils ne supportent plus d’être jugés par l’opinion publique responsables de la « sale guerre ». Dans l’inconscient collectif, les musulmans se seraient révoltés comme un seul homme contre les pieds-noirs, qui les exploitaient, obligeant l’armée française à voler à leur secours. Un reproche qui a l’effet du sel sur une plaie jamais cicatrisée.
    Dans les mois qui suivent la signature des accords d’Evian, le 18 mars 1962,1 200 000 Français d’Algérie, soit 10 % de la population locale, vont quitter leur terre natale sans espoir de retour. Ils fuient un climat de terreur instauré par le FLN et la surenchère meurtrière de l’OAS (Organisation armée secrète). « Ma tante et mon oncle ont été déchiquetés par une grenade au cinéma à Mostaganem, le surveillant général de mon lycée poignardé dans une rue de Bel Abbes… Sur la place Carnot, dans un café, il y avait une grenade dans un couffin. Trois jeunes filles ont été tuées sur le coup, les trois plus jolies filles de Bel Abbes… L’objectif était de semer la terreur, de nous obliger à partir » , raconte encore Alain Afflelou. Un départ précipité, avec le plus souvent une ou deux valises pour tout bagage. C’est la plus grande migration jamais absorbée par la métropole. Les pieds-noirs forment aujourd’hui en France, avec leurs enfants, une communauté de près de 3 millions de personnes.
    On les voyait riches colons alors que la majorité d’entre eux étaient artisans, ouvriers, petits fonctionnaires, citadins modestes votant au centre ou à gauche. De Bab el-Oued, Oran ou Sétif ils ont ramené le mal du pays, et une rage de réussir qu’ils ont transmise à leurs enfants. Ils sont repartis de zéro dans une métropole hostile que beaucoup découvraient pour la première fois. Aujourd’hui les pieds-noirs veulent être reconnus pour ce qu’ils sont : des victimes de l’Histoire dont certaines pages ont été occultées. C’est le sens des deux plaintes déposées contre X le 13 mars pour « crime contre l’humanité », « enlèvements et arrestations arbitraires ».
    A l’origine de ces deux plaintes, onze familles et l’association Jeune pied-noir (1). Il s’agit pour elles de faire reconnaître la responsabilité de la France dans la disparition de plusieurs milliers de pieds-noirs enlevés après le cessez-le-feu, par le FLN ou les « marsiens », ces nationalistes de la dernière heure. Du 19 mars au 31 décembre 1962, officiellement 3 019 Européens sont kidnappés, quasiment sous les yeux de l’armée française, qui reste l’arme au pied (2) ; 1 773 n’ont jamais réapparu. En proportion, il y a dix fois plus de disparitions en Algérie durant cette période qu’en Argentine dans les années 70 sous la dictature ( voir Le Point n° 1534 ). Pourtant, le dossier est occulté, peut-être parce que les morts ont été encore plus nombreux chez les soldats français, les harkis et naturellement les Algériens.
    Des fauteurs de guerre
    Quarante ans après, alors que le débat fait rage sur les exactions commises par l’armée française, les familles de disparus demandent « vérité, justice et mémoire » sur le sort réservé aux pieds-noirs. « La France a laissé disparaître nos enfants, nos frères, nos mères, nos parents sans rien faire », affirme, les larmes aux yeux, Anne-Marie Danon, dont le frère, André, 29 ans, agriculteur, a disparu le 8 mai 1962 entre Orléansville et La Guelta. « L’important était de ne pas rompre les accords d’Evian si longuement négociés. Il fallait coûte que coûte éviter de relancer le conflit. Ils ont été sacrifiés pour des raisons politiques. La France doit le reconnaître. Il ne faut pas qu’ils disparaissent une deuxième fois dans l’oubli. »
    Pourquoi cette action judiciaire aujourd’hui ? Pendant des années, les pieds-noirs n’en ont parlé qu’entre eux ou se sont murés dans le silence face à l’incompréhension de l’opinion qui les désignait comme des fauteurs de guerre. « J’étais institutrice. Le jour où j’ai évoqué avec une collègue métropolitaine l’assassinat de mon père par le FLN, elle m’a rétorqué : un colon de moins, mon fiancé n’ira pas faire son service militaire en Algérie. A partir de ce jour-là, j’ai caché mon identité pied-noire. Mais aujourd’hui je ne veux plus avoir honte. »
    « Une histoire à sens unique »
    Certains pieds-noirs ont décidé de briser le silence. Ainsi, un rapatrié se présente comme candidat à la prochaine élection présidentielle. Son ambition n’est bien sûr pas de s’installer à l’Elysée, mais de « rétablir la vérité sur les Français d’Algérie ». Jean-Félix Vallat est né à Mascara en 1950. Il a grandi à Thiersville, un petit village dont son père était le maire et sa mère l’institutrice. Tous les deux ont été assassinés en 1958 par le FLN. « On les a tués pour ce qu’ils représentaient : la France. Cela s’est passé le 8 avril. Nous rentrions tous en voiture à la ferme, j’étais à l’arrière avec mes deux frères, il faisait nuit. Un commando du FLN avait tendu une embuscade, ils ont mitraillé la voiture, mon père en a perdu le contrôle et percuté un arbre. Ma mère a eu le réflexe de rabattre le siège arrière en nous criant : cachez-vous ! Les tueurs ne nous ont pas vus, ils ont égorgé nos parents sous nos yeux » (3).
    Aujourd’hui, Jean-Félix Vallat dirige une exploitation agricole dans le Tarn. Il y a un mois encore, ses enfants ignoraient tout de son passé. Sa fille, Marion, 23 ans, étudiante, a appris les conditions de l’assassinat de son grand-père et de sa grand-mère lors d’une apparition de son père à la télévision. « Je voulais la protéger. Maintenant, elle doit savoir » , justifie Jean-Félix Vallat. Sa décision de se présenter est une réaction à la proposition de loi – avortée – tendant à faire du 19 mars une journée commémorative de la guerre d’Algérie. « J’ai été révolté. Pour nous, la guerre d’Algérie ne s’arrête pas le 19 mars. Au contraire, c’est à partir de cette date que le FLN massacre les harkis et s’acharne sur les pieds-noirs, à coups d’enlèvement. On en a assez de voir l’histoire que nous avons vécue racontée à sens unique. »
    Assez aussi des clichés qui leur collent à la peau. « Le riche colon pied-noir est un mythe », s’insurge l’universitaire Jean-Jacques Jordi, qui, en tant que pied-noir, a été le premier à étudier l’histoire des rapatriés d’Algérie (4). A peine 1 % des Français d’Algérie sont des colons (propriétaires terriens). 12 000 personnes au total, dont 300 sont vraiment riches. Le niveau de vie moyen des Français d’Algérie est inférieur de 20 % à celui de la métropole. Les classes aisées représentent moins d’un tiers de la population. « Les hommes de ma famille étaient pauvres et sans haine, et n’ont jamais exploité ni opprimé personne » , a écrit Albert Camus en 1958 dans « Chroniques algériennes ». « Les trois quarts des Français d’Algérie leur ressemblaient » , conclut-il.
    Il s’agit pour beaucoup de réfugiés économiques venus d’Espagne, d’Italie ou de Malte ; d’Alsaciens qui fuient les Prussiens ; d’exilés politiques, communards, antifascistes italiens, républicains espagnols. Ce sont aussi 140 000 juifs séfarades enracinés depuis plus de deux mille ans en Algérie et devenus français par décret en 1878. « Sur trois générations, j’ai eu une grand-mère espagnole, une arrière-grand-mère juive et un arrière-grand-père berbère », souligne Catherine Camus, la fille du prix Nobel de littérature que Le Point a rencontrée dans la maison de son père, à Lourmarin, dans le Luberon (voir encadré page 71).
    On a présenté tous les pieds-noirs comme des sympathisants d’extrême droite, sous couvert de l’appartenance à l’OAS. La réalité est plus complexe. « Alger, en 1936, vote pour le Front populaire » , rappelle Jean-Jacques Jordi. L’adhésion des pieds-noirs à l’Organisation armée secrète est avant tout une réaction populaire au sentiment de trahison et à l’abandon de l’Algérie française. Un rejet de la politique du général de Gaulle qui conduit à l’indépendance. « Le quartier populaire de Bab el-Oued, à Alger, devient en 1961 le bastion de l’OAS alors que quelques années auparavant le Parti communiste y récoltait 30 % des voix », précise-t-il. Dans un climat de chaos et de désespoir, les pieds-noirs se raccrochent à l’OAS comme à une bouée de sauvetage, avant de s’en détacher à mesure que le mouvement sombre dans une violence aveugle. Néanmoins, l’étiquette d’extrême droite reste aujourd’hui collée aux rapatriés, en dépit des analyses électorales.
    La mauvaise image des pieds-noirs est intimement liée au rejet de la guerre d’Algérie dans l’opinion. « Les pieds-noirs doivent assumer le péché collectif du colonialisme » , précise la sociologue Jeannine Verdès-Leroux, directrice de recherche au CNRS (5). « Après guerre, toute la classe politique, Pierre Mendès France en tête, magnifie l’oeuvre civilisatrice accomplie en Algérie par les pieds-noirs. On considère que, malgré les erreurs et les drames, elle est une avancée sur la voie du progrès. Puis, dans un contexte international de décolonisation, tout bascule. Les colons sont décriés et, avec eux, tous les Français nés en Algérie. »
    Paris dépassé par l’exode
    Des images péjoratives sont véhiculées dans la presse par de grandes signatures comme François Mauriac. Les Français d’Algérie deviennent ainsi des brutes, riches, oppressives et réactionnaires. Les récits des appelés, de retour en métropole, ne font que renforcer ces clichés. « Ils se plaignent d’avoir été envoyés en Algérie pour défendre des colons qui ont fait fortune en faisant « suer le burnous » » , affirme Jeannine Verdès-Leroux.
    Le mal est fait. Lors de l’exode, en 1962, chez les Français, c’est l’indifférence et l’hostilité qui dominent. Du jour au lendemain, les pieds-noirs abandonnent leur ferme, leur villa, leur appartement. Plutôt que de laisser leurs biens, certains préfèrent tout détruire. Jean-Marc Lopez, retiré aujourd’hui à Six-Fours, dans le Var, a 10 ans à l’époque quand il assiste à ces scènes de départ surréalistes. « Nos voisins ont détruit les ascenseurs, démonté les rampes d’escalier, brûlé leurs voitures. Il ne fallait pas traîner sous les balcons, sous peine de recevoir une télévision, un frigo ou une machine à laver sur la tête. »
    A partir du mois d’avril, on ne trouve plus de valises en Algérie. Les familles en sont réduites à fabriquer leur propre valise avec des planches en bois. Sur les quais des ports d’Oran et d’Alger, dans les halls d’aéroport, des milliers de femmes, d’hommes, d’enfants, de vieillards attendent, agglutinés, nuit et jour, une place dans un paquebot ou un avion. Emile Ingignoli, 65 ans, douanier sur le port d’Oran, n’oublie pas ces journées d’hystérie collective. « Les gens dormaient par terre. Ils n’avaient ni eau ni nourriture. Pour ne pas perdre leur tour dans la queue, certains urinaient et déféquaient sur place. Une image hante encore mes rêves quarante ans plus tard : celle d’un jeune couple qui transporte un bébé mort dans une valise. Il n’avait pas voulu abandonner en Algérie le corps de son enfant. »
    A Paris, on est complètement dépassé par l’ampleur de l’exode. Le gouvernement prévoyait seulement le retour de 400 000 pieds-noirs sur quatre ans. On en enregistre un million en trois mois ! Paris fait tout pour ralentir ces départs massifs qui décrédibilisent les accords d’Evian censés garantir « une paix tranquille » . On tente donc de rassurer et de calmer la population. Jean-Marc Lopez se souvient que les rues d’Alger étaient inondées de tracts visant à calmer la population. « Des haut-parleurs installés sur des camions militaires haranguaient la foule pour l’assurer du soutien de l’armée et l’inciter à rester. »
    En vain. Incapable d’empêcher cet exode massif, le gouvernement essaie de le minimiser. Le 26 juin, le secrétaire d’Etat aux Rapatriés, Robert Boulin, annonce en conseil des ministres 169 000 départs seulement. Il affirme que le rythme est le même qu’en juillet 1961 et en déduit que les pieds-noirs ont avancé d’un mois la date de leurs vacances.
    « Halte au péril pied-noir »
    A leur arrivée en France, la majorité des rapatriés ne savent pas où aller. On les croit riches, mais ils n’ont pas d’argent en poche. Michelle Beauceville, 60 ans, installée sur les hauteurs d’Aubagne, dans une villa cossue, n’oublie pas le mépris des passagers du train Marseille-Lyon dans lequel elle est montée le 27 juin 1962. « J’avais 20 ans. J’arrivais de Blida, seule, avec trois enfants de 2 à 5 ans et six valises. Le train était bondé. Un contrôleur a demandé au micro si quelqu’un voulait laisser sa place à une jeune rapatriée avec trois enfants. Personne ne s’est levé. Au bout de deux heures, un ressortissant belge qui venait de monter dans le train m’a proposé sa place et offert des gâteaux aux enfants. Quand je l’ai remercié, il m’a simplement dit : « Je vivais au Congo, moi aussi j’ai connu ça. » »
    A Marseille, des affiches hostiles recouvrent les murs de la Joliette. On y voit deux grands pieds, noirs, au centre d’une carte de France. Au-dessous, cette inscription : « Halte au péril pied-noir » . Jean-Jacques Jordi affirme qu’il a retrouvé dans les archives du port de Marseille la trace de nombreux vols ou sabotages : des dockers ont même trempé des caisses appartenant à des rapatriés dans l’eau du port avant de les laisser sur les quais au soleil pendant des heures. Il y a aussi des vols. « Un quart des biens débarqués par bateau se sont volatilisés en arrivant dans la cité phocéenne » , précise l’historien.
    La détresse des nouveaux arrivants est exploitée : le prix des loyers, des pas-de-porte, des cautions double ou triple. A l’époque, Maurice Cazorla, 74 ans, était courtier à Montpellier. « 90 % des affaires proposées étaient des escroqueries. Les pieds-noirs représentaient des pigeons idéaux. Ils étaient dans l’urgence et ne connaissaient ni les terres, ni les cultures, ni les us de la France », se souvient-il. Certaines familles d’agriculteurs paient encore les pots cassés de ces mauvaises acquisitions. Guillaume Raymond, 39 ans, est aujourd’hui surendetté parce que son père, rapatrié d’Algérie, a acheté en 1962 près de Hyères des terrains agricoles qui se sont révélés inondables. « Tout le village le savait, mais personne ne le lui a dit. Je me retrouve aujourd’hui avec 7 millions de francs de dettes, à la tête d’un patrimoine invendable, à essuyer des inondations qui ruinent tout mon travail. »
    Un modèle de réussite
    Les enfants sont aussi en butte à l’hostilité ambiante. Dans les classes, on raille leur accent, leurs maladresses dues à un changement brutal de repères. Marcel Camicci, 44 ans, aujourd’hui artisan à Sigean, dans l’Aude, considère sa scolarité comme la « période noire de [sa] vie » . En 1962, sa famille venait de Bône, où elle possédait une ferme. Elle s’est retrouvée à Pézenas, sans argent, dans un baraquement de transit. « J’avais 3 ans quand je suis parti d’Algérie. Pourtant, en CM2, l’institutrice m’a dit : « D’où tu viens ? Tu ne peux rien comprendre. » J’ai passé l’année au fond de la classe. »
    Dans la cour de l’école, Marcel et les autres petits pieds-noirs sont tenus à l’écart, isolés. « On était les souffre-douleur. Mais très vite les Arabes sont arrivés, et tout a changé. Ils vivaient le même racisme. On s’est retrouvés ensemble contre les Français. Je traînais toujours avec eux, en cachette de mes parents, qui ne voulaient pas que je les fréquente. »
    Les familles de rapatriés sont éparpillées dans toute la France. Beaucoup se retrouvent dans le Sud, où elles vont même créer de toutes pièces Carnoux-en-Provence. Une commune qui compte aujourd’hui 8 000 habitants, dont la moitié sont des pieds-noirs. D’autres familles se retrouvent en Alsace, en Bretagne ou dans le Nord, où elles bénéficient d’une prime géographique mise en place pour « désengorger » le Sud. Au-delà de l’exode, c’est tout un environnement familial qui s’écroule.
    Et puis, il faut refaire sa vie. Sans guère d’aide pour commencer. En fait, les familles qui ont tout perdu devront attendre huit ans pour que l’Etat commence à les dédommager. En 1997, au terme de l’indemnisation, les sommes versées représenteraient 40 % de la valeur des biens estimés au moment du départ. En 1962, un rapatrié au chômage, chef de famille, doit se contenter d’une « allocation de subsistance » de l’ordre de 400 francs par mois. Pourtant, selon un sondage réalisé cette année-là, 31 % des Français jugent l’aide apportée aux rapatriés « excessive » et 36 % « suffisante » . Dans la même étude, 53 % des sondés estiment que les rapatriés ne font aucun effort d’adaptation.
    La suite prouve le contraire. A côté de tous ceux qui se sont fait un nom, d’Alain Afflelou à Yves Saint Laurent en passant par Paul Quilès, Jean-Paul Belmondo ou encore le prix Nobel de physique Claude Cohen-Tannoudji, l’immense majorité des pieds-noirs constitue un modèle de réussite professionnelle et d’intégration sociale. Jean-Claude Scotto est aujourd’hui psychiatre à la retraite : « Je suis arrivé à Marseille à l’été 1962 avec 96 autres internes des hôpitaux d’Alger. 50 d’entre nous sont devenus professeurs de médecine, alors qu’en moyenne seulement 10 % des internes deviennent professeurs d’université. » La réussite est pratiquement la même dans toutes les disciplines. Les pieds-noirs ont dû s’adapter coûte que coûte. Beaucoup n’ont pas hésité à changer de métier du jour au lendemain. Une capacité d’entreprendre que Jeannine Verdès-Leroux attribue en partie à l’esprit pionnier, hérité des réfugiés politiques ou économiques qui avaient « défriché » l’Algérie. Catherine Camus y voit, elle, « une similitude frappante avec les Américains » . « La plupart des pieds-noirs avaient des origines humbles, multiples, un attachement profond au drapeau, le goût des grands espaces et le sentiment que tout était possible… » En mars 1976, un rapport de la Documentation française intitulé « Les rapatriés d’Algérie en France » dresse un bilan de l’intégration pied-noire. Il souligne « le modernisme » , « l’ouverture d’esprit » , « l’imagination » et « l’audace » de cette communauté, pour conclure : « Le rapatrié est une chance pour la France. » Certes, les pieds-noirs ont débarqué dans une métropole en pleine croissance, qui ne connaissait pas le chômage. Mais ils en ont accéléré la transformation économique et sociale. Paradoxalement, l’exode a aussi été un atout pour beaucoup d’enfants de pieds-noirs. C’est du moins l’analyse de Jean-Jacques Jordi : « Les parents ont souvent vécu un déclassement dans l’échelle sociale. Pour compenser, ils ont tenu à ce que leurs enfants fassent des études. Cela n’aurait pas été forcément le cas en Algérie, surtout pour les familles modestes. De leur côté, les enfants se sont souvent sentis investis d’une mission, celle de réussir. »
    Mais derrière la façade de la réussite se cachent parfois des séquelles psychologiques dont il est difficile de cerner l’ampleur. Des médecins ont eu à traiter des pieds-noirs traumatisés : « J’ai soigné une patiente qui a fait des cauchemars pendant vingt ans. Elle revivait sans cesse l’incendie de sa ferme en Algérie », se souvient le professeur Scotto. « La plupart n’ont sûrement pas eu le réflexe d’aller consulter un psychiatre ou un psychologue. » Le combat associatif a souvent fait office de thérapie de groupe. « Mon salut, je l’ai trouvé en rejoignant une association, il y a huit ans, confie Marcel Camicci. J’ai hérité du traumatisme que mes parents n’ont pas réussi à gérer. Je n’ai jamais pu en parler avec eux. Ils étaient trop repliés sur eux-mêmes. »
    Pour beaucoup de pieds-noirs de la première génération, aux blessures psychologiques s’ajoute la douleur de l’exil, qui demeure, quarante ans après. Même si, officiellement, il ne s’agit toujours que d’un « rapatriement ». La sociologue Jeannine Verdès-Leroux raconte : « J’ai interrogé pour mon enquête plus d’une centaine de pieds-noirs. Presque tous se sont mis à pleurer. Hommes ou femmes, quels que soient leur âge ou leur statut social. » Le professeur Scotto, qui nous a confié avoir rêvé d’Alger tous les soirs pendant vingt et un ans, explique : « L’exilé politique garde toujours en lui l’espoir d’un retour. Mais, pour nous, l’exil est irrémédiable parce que le pays que nous avons quitté n’existe plus. »
    Les rapatriés n’ont pas laissé seulement une terre, ils ont aussi abandonné leurs morts. Beaucoup de cimetières sont aujourd’hui à l’abandon quand ils n’ont pas été profanés. Le fait de le savoir empêche tout oubli, tout deuil chez beaucoup de pieds-noirs.
    Aujourd’hui, nombre de pieds-noirs en veulent profondément à la France d’hier mais pas aux Algériens d’aujourd’hui. Tous ceux qui sont retournés en Algérie depuis racontent l’accueil chaleureux qu’ils ont reçu en tant que pieds-noirs. Autant de signes qui entretiennent chez les rapatriés le sentiment douloureux que, si les deux communautés n’avaient pas été broyées par l’Histoire, elles auraient pu continuer à vivre ensemble. D’où cette impression d’énorme gâchis dont parle Jean-Jacques Jordi. La veille de l’indépendance de l’Algérie, sa famille a fait précipitamment ses bagages. « Il y avait deux valises pour cinq personnes. Je n’ai eu le droit d’emporter qu’un seul jouet. » Jean-Jacques Jordi a longtemps hésité entre les boules de pétanque qu’on lui avait offertes à Noël et une diligence en fer tirée par des chevaux en plastique. « J’ai choisi les boules. Mais, avant de partir, je suis allé enterrer la diligence dans la cour. Quarante ans après, je me dis qu’il faut que je retourne là-bas pour voir si mon jouet y est toujours. »
    1. Jeune pied-noir, tél. : 01.69.41.01.12. 2. « La phase finale de la guerre d’Algérie », de Jean Monneret (L’Harmattan). 3. Jean-Félix Vallat est l’un des personnages principaux du roman de Serge Launay « Les chiens de Ghriss » (L’Harmattan). 4. « De l’exode à l’exil » (L’Harmattan). 5. « Les Français d’Algérie » (Fayard).
    Abonnez-vous à notre newsletter
    LA FUSILLADE DU 26 MARS
    Le quartier populaire de Bab el-Oued est investi depuis le 23 mars par l’armée française après la mort de sept soldats tués par l’OAS. Le 26 mars, une manifestation pour protester contre le bouclage du quartier de Bab el-Oued est organisée. Elle rassemble plusieurs milliers d’Européens. Tous les témoins, civils, militaires et journalistes, décrivent une foule calme et non armée. Pourtant, à 14 h 50, l’armée ouvre le feu. La fusillade dure douze minutes. Un carnage : 80 morts, 150 blessés. Officiellement, l’armée a riposté à des tirs venus d’immeubles. Quarante ans après, l’énigme demeure. Ce drame a marqué le début de l’exode des pieds-noirs.
    Le Point a retrouvé une victime de la fusillade. A l’époque, Jean-Louis Siben était inspecteur général dans une banque
    « Les soldats mitraillent à bout portant, sans aucun avertissement. Les gens courent vers le moindre abri : une encoignure, un caniveau. Des mares de sang se dessinent partout. Je suis à plat ventre. Une balle m’a touché à l’épaule. Devant moi, les soldats rechargent et tirent sans arrêt, comme des fous. Certains ont des gestes obscènes. Je ne peux pas croire que l’armée française nous tire dessus. Je vais réussir à gagner le porche qui se trouve à quelques mètres de moi. Une seconde balle me frappe le crâne sans le perforer. »
    JEAN-NOËL PANCRAZI*
    « Le souvenir le plus terrifiant de mon enfance est la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, à Alger, quand l’armée française ouvre le feu sur la foule qui manifeste pacifiquement. » Ce jour-là, Jean-Noël Pancrazi a 13 ans. Il écoute avec ses parents la retransmission du drame à la radio. La famille vit à Sétif, où le père est comptable. « J’entends encore cette voix sortie d’on ne sait où qui criait « Cessez le feu ! cessez le feu ! » se rappelle l’écrivain. Ce qui s’est passé le 26 mars symbolise tout ce qui est arrivé par la suite en Algérie : une absurdité sanglante. On ne sait toujours pas pourquoi l’armée a tiré. C’est aussi ce jour-là que mes parents ont compris que le gouvernement les avait abandonnés. » En juillet, la famille Pancrazi prend le bateau pour Port-Vendres. « Mes parents étaient déboussolés, mon père surtout. Il avait 51 ans, il ne connaissait pas la métropole. Il errait dans les rues à la recherche d’un travail. Il ne s’est jamais acclimaté. Cela a été un choc pour moi. » Jean-Noël Pancrazi se réfugie dans les études. « Il fallait que je montre que j’avais ma place. Au lycée, on n’aimait pas les pieds-noirs. Il faudra un jour expliquer que les pieds-noirs ont été balayés par l’Histoire. » Si Jean-Noël Pancrazi est devenu écrivain, c’est en partie à cause de l’Algérie. « Ecrire me permet d’anesthésier les souvenirs les plus douloureux. » Dans « Madame Arnoul », il évoquait son enfance à Sétif et son ami d’école, Mohammed Khair-Eddine. « J’espérais retrouver sa trace en écrivant ce livre. Il était brillant à l’école, j’ai toujours espéré qu’il ait joué un rôle positif après l’indépendance. L’exil est une blessure, mais aussi une chance pour un écrivain. C’est pourquoi je ne veux pas retourner en Algérie. J’ai peur que cela paralyse mon imaginaire. Pourtant, ma terre, c’est là-bas. » –
    **« Renée Camps » (Gallimard).
    L’EPOPEE DE LA FAMILLE LOPEZ
    1. Mireille et Adrien Lopez avec leurs enfants Martine et Jean-Marc. Le père est policier à Alger. La mère, femme au foyer. Les enfants vont à l’école du quartier où sont scolarisés musulmans et Européens.
    2. « On vivait à Diar-es-Saada (La Cascade), une cité populaire d’Alger jouxtant les quartiers arabes. Mon père y avait acheté en 1960 un appartement à crédit. De retour en France, le Crédit foncier s’est entêté à lui réclamer le remboursement du prêt pendant plusieurs années.
    On a attendu la mutation de mon père barricadés tout un mois dans notre appartement. »
    3. « On a embarqué sur l' »El-Djezaïr », le 24 juillet, avec quatre valises. On est allé jusqu’au port dissimulés dans une ambulance, pour échapper aux enlèvements. Sur le bateau surchargé, on a attendu des heures parce que le capitaine ne voulait pas hisser le drapeau algérien. Mon père a jeté les clés à la mer. Avant de débarquer à Port-Vendres, un couple de vieux s’est suicidé en se jetant sur l’hélice. »
    4. El Djezaïr aujourd’hui.
    5. « A Versailles, où mon père avait été muté, on s’est retrouvés dans une chambre de 7 mètres carrés. On y a passé six mois. On avait l’impression d’être dans un pays étranger. Un jour, on a voulu manger des châtaignes. On les a mises sur le poêle sans les entailler. Ça a pétaradé. On s’est tous jetés à plat ventre, par réflexe. La vie a redémarré. L’année suivante, mes parents nous ont fait une petite soeur. »
    JEAN MONTALDO*
    « Mon village natal s’appelait « Le col du dimanche », sur les contreforts du Haut-Atlas. » Jean Montaldo a 21 ans quand il quitte l’Algérie en 1962. « Depuis trois ans, j’étais journaliste à La Dépêche quotidienne d’Algérie, raconte-t-il. Mon père, qui était sénateur, m’y avait fait entrer comme stagiaire. Je couvrais les attentats, les massacres. On se relayait jour et nuit pour noter dans un grand cahier le lieu des attentats, avec le nombre précis de morts et de blessés. » Et tous les soirs, Jean Montaldo se rend à la morgue pour vérifier et publier ensuite la liste des victimes. « C’était comme assister à un suicide collectif. Cela m’a psychologiquement détruit. » En juin, son père comprend qu’il faut partir. Il lui trouve un billet sur un cargo en partance pour la France. « En arrivant sur le port, j’ai brûlé ma voiture. Sur le pont, j’ai regardé la côte s’éloigner et j’ai pleuré. » Jean Montaldo s’installe à Montpellier, où il retrouve d’autres rapatriés. « On ne réalisait pas, on était des morts-vivants. Nos parents étaient en dépression nerveuse. J’ai vu beaucoup de « vieux » mourir de chagrin. » Sans le sou, Jean Montaldo tente de survivre. « Pendant l’été 1962, j’ai fait tous les thés dansants du Claridge, je faisais danser les dames. J’avais la rage de réussir, ce qui explique ce que je suis devenu aujourd’hui : rien ne me fait reculer. » Jean Montaldo n’a jamais voulu retourner en Algérie. « Le FLN, pour asseoir son pouvoir, a détruit ce que nos pères avaient créé. De ce que nous avons bâti il ne restera rien après notre mort. Alors il faut au moins sauver la vérité. » Et d’expliquer : « Nous avons été manipulés par la classe politique. D’abord par la gauche, qui a créé le FLN en se lançant dans une guerre délirante, avec des moyens indignes tels que la torture. Et ensuite par la droite, qui nous a sacrifiés. Nous nous sommes réconciliés avec la France au prix de notre silence. » –
    ** « Les voyous de la République » (Albin Michel).
    LA « NOSTALGERIE »
    A l’été 1962, les Français de métropole découvrent les Français d’Algérie. D’eux, ils ne connaissaient guère que le surnom, pieds-noirs, mot à l’étymologie incertaine, apparu à la fin des années 50, qui leur évoque une sorte d’Indien de la Méditerranée. Les pieds-noirs font figure, pour eux-mêmes et pour les autres, de citoyens à part pas tout à fait entière.
    Ce particularisme remonte loin dans le temps. Ni Français de France, en dépit de leur appartenance juridique à la communauté nationale, ni naturellement Algériens d’Algérie, bien qu’ils soient nés, vivent et meurent là en grande majorité, les Européens d’Algérie sont en soi tout un monde : « Il s’est formé en Algérie, écrit un député algérois en 1898, une race nouvelle dont la mentalité diffère profondément de la mentalité française. » De fait, les Européens d’Algérie développèrent longtemps un complexe de supériorité et un sentiment de différence, exprimé sous la forme d’un « vous ne pouvez pas comprendre » adressé aux Français de métropole et ressenti comme un bonheur incomparable. « Quelle chance , écrit Albert Camus, d’être né au monde à Tipasa, et non à Saint-Etienne ou à Roubaix. » S’y ajoute, pour une population qui n’a connu sur son sol ni la Grande Guerre ni l’Occupation, et que les changements politiques et les mouvements sociaux à l’oeuvre en France n’affectaient guère, une sorte d’absence à l’Histoire. « Je pensais qu’il en serait toujours ainsi » , fait dire l’écrivain Jean Pélegri à l’un de ses héros, et l’Oranais Norbert Régina intitule sa saga pied-noire « Ils croyaient à l’éternité ».
    De là ce qu’on appelle l’aveuglement des Européens d’Algérie face aux événements qui se précipitent à partir de 1954. Pour la plupart, quitter leur pays demeure jusqu’au bout une perspective proprement impensable. La réalité s’imposa avec d’autant plus de brutalité. Beaucoup de pieds-noirs se jugent trahis et abandonnés par des Français lâches et sans coeur, beaucoup de Français estiment que les pieds-noirs, naguère si beaux parleurs et fiers-à-bras, n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes de ce qui s’est passé. Les uns et les autres découvrent que, depuis un siècle, ils s’ignoraient.
    Après quarante ans et quatre lois d’indemnisation, après une intégration économique et sociale rapidement réussie qui fait dire à de Gaulle dès juillet 1964, avec autant de vérité que de cynisme : « Ça a fait beaucoup d’écorchures individuelles, ça ne fait pas une plaie nationale » , les pieds-noirs, aujourd’hui, existent-ils collectivement autrement que par la « nostalgérie », cette sorte de sudisme de la mémoire qui enchante un pays perdu et recompose un passé révolu ? « Un jour peut-être, sur ces années évanouies, un pied-noir écrira un livre comme « Autant en emporte le vent » », prophétisait Fernand Braudel
    CATHERINE CAMUS*
    « Lorsqu’il a eu le prix Nobel de littérature en 1957, mon père a acheté cette maison en Provence et il m’a dit : « Tu vois, derrière les montagnes, il y a la mer. » Cela lui faisait penser à l’Algérie. » Catherine Camus, la fille de l’écrivain, vit aujourd’hui dans la villa de son père à Lourmarin. Albert Camus était un pied-noir qui militait pour l’égalité des droits entre les musulmans et les Français d’Algérie. Condition indispensable, selon lui, pour que les deux communautés continuent à vivre ensemble. « Camus a été cloué au pilori par les ultras des deux bords. Une fois, je l’ai trouvé assis, silencieux, dans un fauteuil près d’une fenêtre. J’avais 10 ans, je lui ai dit : « Papa, tu es triste ? » Il a levé la tête et il a dit doucement : « Je suis seul. » »
    Cet automne, Catherine Camus, qui a mis entre parenthèses sa carrière d’avocate pour veiller sur l’exploitation qui est faite de l’oeuvre de son père, réédite en poche « Chroniques algériennes », un recueil des articles sur la situation en Algérie publiés par le journaliste Albert Camus entre 1939 et 1958. « Quand le livre est sorti pour la première fois, en 1958, il y a eu un seul article dans la presse, parce que sa position dérangeait, confie Catherine Camus. Les Algériens et les pieds-noirs ont été trompés, les accords d’Evian ont livré le pays à un parti unique. Mais je redoute les réactions. Cela reste très à vif au sein des deux communautés. » Face au débat actuel sur la torture pratiquée par l’armée française en Algérie, Catherine Camus dit éprouver « un sentiment de malaise » . « La torture est abominable. Il était indispensable d’en parler, mais j’ai l’affreuse impression que le thème vire à l’effet de mode, tandis que les exactions du FLN restent un tabou chez les intellectuels, qui n’ont pas le courage de reconnaître aujourd’hui que l’indépendance a été un gâchis. »
    CLAUDE CHERKI*
    En 1961, Claude Cherki a 20 ans quand son père est condamné à mort par l’OAS. « Nous vivions à Alger. Un commerçant s’était fait assassiner en bas de chez nous par l’OAS. Personne n’osait s’approcher. Mon père a fait mettre un drap blanc pour couvrir le corps. Ce geste a été assimilé à une provocation. » D’autant que la famille Cherki, issue de la bourgeoisie juive d’Alger, est favorable à l’indépendance. « Dans le chaos des attentats, le discours de la raison était difficile à tenir. Nous avons dû partir. De fait, ma famille n’a pas connu les départs précipités en bateau de l’été 1962 » , explique Claude Cherki, qui considère que l’exil a finalement été une chance pour lui. « Le monde se faisait à Paris. »
    Aujourd’hui, le PDG du Seuil s’indigne que l’on puisse faire le lien entre les pieds-noirs et la torture. « Les pieds-noirs se sont contentés d’exploiter l’Algérie au bénéfice de la métropole. On ne peut pas leur faire porter la responsabilité des exactions de l’armée française. Ce qui m’intéresse dans le débat actuel sur la torture, c’est le pourquoi du passage à l’acte. Si c’est juste pour dire que l’armée coloniale a torturé, cela n’a aucun intérêt. » Claude Cherki revendique un regard lucide sur la communauté des pieds-noirs d’Algérie. « La société coloniale était stratifiée en classes sociales qui ne se mélangeaient pas. Personnellement, je ne fréquentais ni les juifs pieds-noirs pauvres ni les enfants musulmans. Le seul ciment commun était l’attachement profond à la France. Mais cette société n’a pas apporté que des choses négatives. Il faudra aussi un jour parler des réalisations positives de la colonisation de l’Algérie. »

    Par DERKAOUI HAMID on Mar 6, 2009

  6. http://www.lepoint.fr/actualites-societe/retour-sur-le-malheur-pied-noir/920/0/61482

    Par DERKAOUI HAMID on Mar 6, 2009

  7. VOIR LA CARTE DE GHRISS PAR SATELLITE
    http://www.keskeces.com/villes/algerie/muaskar/ghriss.html

    Par DERKAOUI HAMID on Mar 6, 2009

  8. c magnifique , une belle carte de notre village ghriss .

    Par derkaoui on Mar 20, 2009

Postez un commentaire!

Thiersville.fr    => Cliquez ici pour nous contacter <=